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mardi 22 juin 2010

EXPERTISE Club Alliances RH : Conduite des organisations

Régulièrement, nous proposerons en collaboration avec des experts RH renommés des "focus" sur certains points, au centre des préoccupations des lecteurs de ce blog.
René RUPERT, fondateur de Rupert Consulting, nous présente aujourd'hui un avis éclairé sur la conduite des organisations.




Le modèle de Kaplan et Norton

Bien avant que David P. Norton et Robert S. Kaplan, professeurs à Harvard, ne présentent en 1995 leur modèle « Balanced Scorecards  » pour conduire une organisation, on appliquait cette approche dans les grandes entreprises américaines multinationales telles que DOW Chemical, EXXON et du Pont de Nemours. En préconisant l’usage d’indicateurs bien répartis sur les domaines de l’activité, ils ne faisaient que formaliser clairement des pratiques déjà en vigueur.

Cette présentation synthétique de la conduite des organisations avait le mérite de sensibiliser ceux qui n’en avaient pas pris conscience à l’aspect systémique de la direction des affaires. Elle diffusait le message subliminal, que le management est quelque chose de simple. Le modèle propose de choisir les cases à remplir. On peut en déduire le bonus de chacun. Cela a conduit au « management joystick », automatisé, taylorisé dont la machine fait l’essentiel.

Deux personnes de renom parmi des milliers d’autres ont vu et prédit de fâcheuses conséquences à cette façon de faire.
Au début du XX siècle, le mathématicien anglais A. N. Whitehead a décrit le risque qu’il y a à réduire la réalité de tout système, donc par exemple de réduire une organisation, à un système d’indicateurs forcément incomplet. Concrétisation abusive – en anglais « misplaced concreteness » - disait-il.
Albert Einstein a simplement lâché le mot : « on compte mais tout ce qui compte n’est pas compté », ce qui signifie que le risque prédit par Whitehead est réel.

Or que fait-on depuis des décennies ? On réduit tout à des indicateurs. La sécurité routière, l’aide sociale, la performance économique, la qualité des films, des loisirs, etc. La conduite des organisations s’est transformée en un pilotage de quelques indicateurs, dont le cours de bourse. Ce qui compte mais n’est pas compté, c’est l’état d’esprit. À l’ère du travail sur le savoir où l’état d’esprit est important, ce qui était un risque est devenu un dommage réel.

Comment prendre les décisions ?

Conduire une organisation, c’est prendre des décisions. Alors que sur les objets, on doit les prendre mécaniquement, sur les hommes, il faut tenir compte de l’état d’esprit des personnes, indicateur non explicité.

A - Schéma actuel de la prise de décision

Les managers sont fermement convaincus que manager consiste à atteindre des niveaux d’indicateurs par eux-mêmes ou à demander à d’autres de les atteindre. Les pratiques simplistes résultant de la concrétisation abusive des systèmes humains, des systèmes vivants par excellence, placés dans un environnement fluctuant ont complètement fait dérailler la société de ses objectifs premiers.
Reconnaissant l’importance de l’état d’esprit, certains le calculent à partir d’une moyenne d’indicateurs qui lui sont corrélés tels que le taux d’erreur, le taux d’accident, l’absentéisme mais cela ne sert pas pour agir sur l’état d’esprit. On retombe sur la pratique consistant à agir ponctuellement sur ces indicateurs, symptômes et non pas causes.

L’absence de distinction entre décider sur des objets et décider sur des hommes est ce qui génère du stress parmi le personnel qui se sent impuissant face à une logique mécaniste ni disposée ni même capable de discernement entre les réalités ressenties et sa concrétisation abusive par quelques indicateurs, cause le divorce entre hiérarchies et employés, provoque les dysfonctionnements comportementaux graves dans la société et donne à penser que le modèle de management actuel est obsolète. Par son approche de la prise de décision, le management d’aujourd’hui impose inconsciemment un diktat à apparence logique, déconcertante, frustrante, révoltante et finalement anesthésiante.
Les conséquences sont déjà largement décrites dans les médias. On peut distinguer entre
-  celles directement visibles, les catastrophes dont le point de départ est l’état d’esprit – Challenger et Columbia, la radioactivité de Tchernobyl, le sang contaminé, l’amiante, le tsunami de 2004, etc. toutes très bien documentées et
-  celles qui invisibles, correspondent à l’appauvrissement général. L’énergie du personnel est laminée, conduisant à une sous-performance latente, permanente, générale et silencieuse mesurée par les grands cabinets de conseil comme McKinsey : « les dissipations de valeur causées par le management tourne autour de 10% du PIB pour les pays riches ». Des milliers de milliards par an.
...
(suite de cet article la semaine prochaine.)

> Le site du Club Alliances RH
> http://www.rupertconsulting.com

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